
Je suis William Potdevin, chargé d’études au sein d’ETEN Environnement, un bureau d’études spécialisé dans l’expertise écologique, l’eau et l’assainissement. Mon domaine de prédilection est l’étude de la flore, des milieux naturels et des zones humides. Mon travail s’articule principalement autour de la réalisation d’inventaires naturalistes de terrain, de l’identification des enjeux écologiques des sites, et de la rédaction de dossiers réglementaires associés à des projets d’aménagement. Mes missions visent à accompagner les porteurs de projets afin de limiter leurs impacts environnementaux en respectant la séquence « éviter, réduire, compenser » (ERC).
J’interviens généralement en amont des projets lors des études de faisabilité environnementale, afin de guider les choix d’implantations et de conception des projets d’aménagements. Mon parcours académique m’a conduit d’un BTS Gestion et Protection de la Nature à une licence de Sciences de la Vie, puis à un master en Gestion des Écosystèmes Terrestres. Mes différentes expériences de stages, d’abord auprès d’associations puis dans un bureau d’études, m’ont permis de développer une expertise en botanique qui trouve écho dans mes missions actuelles chez ETEN Environnement, où j’ai été embauché.
En 2024, dans le cadre d’une réflexion interne sur l’efficacité des mesures de restauration et de gestion des milieux naturels, nous avons initié un projet de recueil d’expériences sur des projets liés à de telles opérations et certaines en lien avec des mesures compensatoires. Cette initiative a été portée par un stage avec Estelle Magieu. Elle visait à élaborer un catalogue régional des retours d’expérience sur les actions de restauration réalisées, notamment dans le département des Landes. L’idée de ce travail est partie d’un constat : certains sites compensatoires, malgré des années de suivi et des préconisations, peinent à retrouver un bon état écologique. Les milieux dégradés restent sensibles aux espèces exotiques envahissantes, aux ronces ou aux fougères par exemple. Ce projet a donc permis de récolter des témoignages et des expériences variées auprès d’acteurs néo-aquitains, et de bureaux d’études afin d’identifier les succès, les échecs, mais aussi les leviers pour améliorer la qualité des projets.
Le catalogue, en cours de finalisation, devrait prochainement être partagé à l’échelle régionale afin de contribuer à une meilleure compréhension collective des enjeux et pratiques de la restauration écologique.

La collaboration avec l’Agence Régionale de la Biodiversité en Nouvelle-Aquitaine est une belle opportunité pour renforcer les liens entre les différentes structures concernées par la restauration écologique. L’ARB joue un rôle clé de coordination entre les Conservatoires Botaniques Nationaux (CBN), l’INRAE, des experts universitaires, les Conservatoires des espaces naturels sensibles (CEN) et les bureaux d’études.
En participant activement au Comité Scientifique et Technique (CST) sur la restaurabilité, nous contribuons à structurer une base commune de données. Ce travail vise à rendre accessible à tous les professionnels un référentiel régional basé sur les expériences de terrain et des dires d’experts néoaquitains.
Notre objectif commun est d’alimenter cette base de données avec des retours d’expérience opérationnels et vérifiés, et de la faire vivre dans le temps pour renforcer les connaissances partagées. Cette initiative offre une perspective enthousiasmante d’amélioration continue des pratiques de restauration en Nouvelle-Aquitaine, notamment dans le cadre des mesures compensatoires (pas forcément efficaces pour l’ensemble des projets d’aménagements actuellement).

La restaurabilité est une notion extrêmement complexe qui nécessite une analyse fine et multi-critères. Nous la définissons comme la capacité d’un écosystème dégradé à retrouver un état écologique de référence suite à des actions de restauration.
Dans notre méthodologie d’accompagnement des projets, nous intégrons de nombreux paramètres : la nature des sols, leur pH, leur humidité (du sol), la pression anthropique sur le site, la faisabilité technique, le coût des opérations, le type d’espèces exotiques présentes (ou à proximité) et la probabilité de succès de leur éradication.
Le dérèglement climatique ajoute une forte incertitude supplémentaire, notamment en ce qui concerne la durabilité des aménagements à long terme.
Trop souvent, la séquence ERC est appliquée dans le mauvais ordre : la compensation est anticipée et considéré comme acquise : alors que nous devrions d’abord réfléchir à éviter ou réduire l’impact. Cette inversion d’approche reste un enjeu majeur, que nous défendons activement auprès des porteurs de projets et en lien avec les services de l’État.
Deux cas concrets illustrent parfaitement la prise en compte de la restaurabilité dans nos projets :
- Dans le premier, la découverte de tourbières sur le site d’étude a immédiatement conduit à recommander leur évitement strict et total. En effet, la restauration d’une tourbière représente un processus extrêmement lent, avec un délai de 500 à 2 500 ans pour reconstituer 50 cm de matière organique.
- Dans le second cas, lors de recherches de parcelles compensatoires, certaines parcelles en très bon état écologique ont été exclues car elles n’avaient pas besoin d’interventions, tandis que d’autres, envahies d’espèces exotiques (Paspale dilaté – Paspalum dilatatum, Sporobole tenace – Sporobolus indicus), ou présentant des contraintes techniques (pente, forte infiltration d’eau), ont été jugées non adaptées.
Ces constats ont permis d’orienter les projets vers des sites plus appropriés ou ont conduit à demander un redimensionnement ou même un abandon du projet.

Les principaux freins sont :
- La complexité et l’incertitude inhérentes aux écosystèmes.
- L’imprévisibilité des invasions biologiques malgré les actions menées.
- Le dérèglement climatique, qui remet en cause la pérennité des milieux restaurés.
- La maîtrise foncière : avec des engagements de compensation sur 30 ans, mais sans garantie au-delà.
Les leviers sont :
- Renforcer la recherche scientifique et améliorer la capitalisation des expériences réussies et des échecs (en particulier).
- Bénéficier de financements publics nationaux ou européens pour mener des actions de restauration plus ambitieuses (les coûts n’étant pas supportables par les porteurs de projets parfois et en dehors des questionnements de volonté d’agir ou non de ces derniers).
- Développer des stratégies territoriales d’aménagement identifiant en amont les sites à privilégier pour les projets d’aménagement (anciens sites industriels, friches…; déjà fortement dégradés par l’Homme) afin d’éviter de solliciter des milieux encore fonctionnels et cibler les mesures compensatoires sur les sites naturels dégradés à forts potentiels de restauration
La communauté ERC a un rôle structurant à jouer :
- Structurer et partager des bases de retours d’expérience régionales, de documentations régionales (dont des guides, et pratiques).
- Organiser des temps d’échanges, des journées techniques et des groupes de travail.
- Sensibiliser les porteurs de projets et les collectivités à une approche plus préventive et intégrée de la restauration écologique.
C’est un outil d’amélioration continue indispensable pour accompagner la montée en compétence collective des acteurs et le respect des obligations règlementaires.
Ce projet s’inscrit dans une démarche de renaturation des espaces urbains. Il est né de la volonté de reconnecter les enfants à la nature, tout en luttant contre l’effet d’îlot de chaleur, et d’en expliquer les tenants et aboutissants aux générations futures de ces écoles.
Nous réalisons des diagnostics écologiques et hydrologiques complets des cours d’école : évaluation de la perméabilité, des micro-habitats présents, des connexions écologiques avec l’environnement extérieur, et espèces en présences le cas échéant. Nous accompagnons ensuite les élèves, enseignants et parents dans une phase de co-construction : identification des besoins, maquettes de leurs idées, échanges collectifs. Les aménagements visent à offrir des espaces plus agréables, plus végétalisés et mieux adaptés aux usages : coins calmes, zones d’observation de la biodiversité, zones d’ombre… Le projet est encore en phase de test sur quelques écoles, vise à être étendu et à devenir une composante récurrente de nos actions.
Nous souhaitions mettre en avant notre projet pilote car cela s’inscrit pleinement dans une logique d’action concrète pour la reconquête de la biodiversité en milieu urbain, tout en sensibilisant les générations futures. Ce type d’initiative correspond à notre volonté d’agir dans des espaces peu ou pas naturels, en accompagnant les collectivités et établissements scolaires dans leurs projets de transition écologique.